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Lutte contre l'inceste, pierre angulaire de la lutte contre toutes les formes de domination


 

C'est une étude de 2017, commandée au CNRS par Laurence Rossignol alors Ministre des droits des femmes, qui offre la vision la plus complète de l'état des études et du droit face aux violences sexuelles à caractère incestueux sur mineur.e.s.

L'un de ses constats est que "Les violences sexuelles se produisent majoritairement au cours de l’enfance ou de l’adolescence. Les femmes déclarent des violences sexuelles dans des proportions supérieures à celles des hommes. La famille et les relations avec les proches constituent un espace de victimation majeur aussi bien pour les filles que pour les garçons." Rapport du CNRS p22

Le rapport du CNRS établit encore ces données : "Même en ne recherchant que les viols, les agissements commis sur mineur.e.s à caractère incestueux forment un continuum de violences sexuelles. Les agissements, même commis dans une situation ponctuelle, ne sont jamais uniques ou isolés : les corps des mineur.e.s subissent plusieurs agissements. Le plus souvent, ils sont réitérés et commis sur une longue période.Ils sont rarement portés à la connaissance de la justice avant l’âge de 10 ans. Les violences commises sur les jeunes garçons sont disqualifiées, du fait de la définition légale du viol : en l’absence de pénétration, des fellations ou des masturbations commises sur le corps des victimes n’accèdent pas au statut de crime. La correctionnalisation est fréquente. Il y a une sur-représentation des milieux populaires, voire défavorisés." Rapport du CNRS, p20

 

L'inceste dans le mouvement #Metoo : un non-dit

Après #metoo, la prise de parole d’Adèle Haenel et l’affaire Matzneff, la parole semble timidement se libérer sur la questions des violences sexuelles sur mineures et sur leurs particularités. La révélation par le Canard enchaîné des propos tenus par Françoise Dolto à la revue de l'association "Choisir la cause des femmes" -propos que Choisir avait tenu à accompagner d'un cadrage justifiant le choix de publier une interview profondément choquante à plus d'un titre- permet de mieux comprendre comment les familles ont pu être perçues comme des lieux inattaquables où se commettent, dans un sentiment de grande impunité, les pires horreurs contre les enfants. Et en effet, la question des violences sexuelles intrafamiliales reste, elle, largement passée sous silence.

 

Or, d'une part, la famille, loin d’être un lien protecteur, semble statistiquement représenter un danger pour les femmes, les filles et les jeunes garçons. Il s’y ancre, dès le plus jeune âge, les mécanismes de domination que l’on retrouve dans la société toute entière. (cf encadré)

 

Et d’autre part, la disproportion entre le nombre de victimes et l’absence de réelles politiques publiques sur les violences sexuelles sur mineurs, et tout particulièrement sur celles à caractère incestueux, révèlent une volonté de passer sous silence cette réalité. La question des violences sexuelles à caractère incestueux est toujours présentée comme une exception, une anomalie, alors qu’elle fonde les mécanismes de domination dès l'enfance au sein de la famille et qu’elle représente un phénomène de société.

 

Les professionnels de santé s’accordent à dire qu’il s’agit d’un enjeu important de santé publique, en raison des conséquences catastrophiques pour les victimes et au-delà sur plusieurs générations. Le mouvement féministe doit donc impérativement s'approprier cette cause : la lutte contre l'inceste. Et doit dénoncer le silence des familles face à l'inceste.

 

Des propositions concrètes pour lutter contre l'inceste : urgence féministe !

 

Il apparaît donc urgent de s’emparer du sujet au niveau politique et notamment :

 

   De mettre en place de grandes campagnes d’information à destination du public ;

 

   De former les professionnel.le.s amenés à être confronté.e.s à ces questions (enseignants, médecins, personnel judiciaire) ;

 

   De mener des études statistiques et d’encourager la recherche sur ces questions ;

 

   D’améliorer l’accès aux structures de soins pour les victimes mais aussi pour les auteur.e.s quand cela s’avère utile ou nécessaire, dans le cadre de la prévention de la récidive ;

 

   D’améliorer le traitement judiciaire de ces affaires (le nombre de condamnation a baissé ces dernières années) ;

 

   De lutter contre le développement de la théorie du syndrome d’aliénation parentale, mis en avant par les masculinistes qui vise à retirer la garde d’enfants aux mères qui dénoncent des abus commis par les pères. Cette théorie et de plus en plus entendue par la justice.

 

Maria Cornaz et Violaine Lucas

 

 


Quelques chiffres

 

   Les violences sexuelles surviennent sur des victimes mineures dans près de 80% (Enquête Virage, INED, 2015)

 

   65% des viols sur mineur.e.s sont le fait d’une connaissance (famille, école, activités extrascolaires, ami.e.s, …)

 

   6% des Français déclaraient avoir été victimes d’inceste soit 4 millions de personnes, une proportion qui monte à 9% chez les femmes (Sondage 2015AIVI/ HARRIS INTERACTIVE).

 

Extrait du rapport de 2017 du CNRS Les violences sexuelles à caractère incestueux sur mineur.e.s, p28.

"Les ASIeA (Agression sexuelle intrafamiliale sur enfant ou adolescent) ont des effets aggravés en fonction de l’âge de survenue des agressions, des formes de violences sexuelles, de leur répétition, de la présence d’autres types de maltraitances physiques ou de négligence.

Les ASIeA conduisent en particulier à des modifications de la capacité d’auto-contrôle et de régulation des émotions qui augmenteront la vulnérabilité à différentes expressions patho-logiques comme des troubles de l’attachement, des troubles somatiques ou mentaux, et de transmissions traumatiques. Les ASIeA devraient être considérées comme un facteur de risque général et non spécifique pour la psychopathologie. Les ASIeA conduisent à des modifications de la qualité de l’attachement et ainsi à une modification de la construction du lien social. Les risques de répétition d’autres types de traumas ou de conduites à risque sont très élevés.

Si la performance scolaire ne semble pas directement atteinte, on observe un ensemble de difficultés dans l’ajustement à la vie scolaire avec un rejet plus élevé des pairs et une recherche de proximité des adultes.

Les trajectoires développementales à risque pour le dévelop-pement de troubles associés peuvent être compensées par des facteurs de protection (soutiens sociaux, prise en charge précoce et adaptée)."